La nuit sera longue




La nuit sera longue 

Après une année académique bouleversée par des épisodes d'instabilité, le corona virus qui a tout paralysé, c'est le moment de souffler un peu, mères et pères de famille ont maintenant quelques heures de repos, puisqu'ils sont libérés de leurs tâches quotidiennes ayant un rapport direct avec le fait de préparer leurs enfants pour l'école, les mamans qui se lèvent tôt pour cuisiner, pour soigner les cheveux des filles, les pères qui s'occupent de faire réviser aux enfants mais pour l'instant les parents sont affranchis de ces tâches quotidiennes sinon pour les trois mois qui viennent. Ils en profitent pour souffler un peu, les exigences sont diminuées.

Les vacances se font sentir et c'est assez fantastique comme ça car l'ambiance règne de partout et ne fait pas exception à Gragramora, chacun cherche à s'incruster d'une façon ou d'une autre dans le fond de cette période estivale, certains organisent des sorties familiales, les jeunes gens s'organisent en plusieurs groupes et vont à des fêtes patronales dans les les autres villes, les enfants quant à eux profitent grandement des vacances, des jeux le long de la journée qui continuent jusqu'au soir et  s'endorment avec la joie, d'agréables souvenirs accompagnent le contentement de savoir que demain ils se réveilleront aussi tard qu'ils le peuvent car il n'iront pas à l'école.

Certains adultes du quartier se regroupent, s'installent dans la cour et lancent des contes, les rires enflamment les recoins, d'autres sont allongés sous la galerie de leur maison, ils se reposent car la journée a été fatiguante pour la plupart d'entre eux à cause de la couvée qui a lieu chez Camille. Un troisième groupe est constitué seulement de garçons, ils s'ensuivent des parties de dominos animées par un nouveau morceau du jazz Galaxy Band de Jérémie et c'est très chaud à ce point du quartier mais il y a le cri d'un bébé qui se mêle à la musique, c'est le fils de Mr. Rosalvo qui anime à sa manière mais ce n'est pas troublant surtout qu'il est sur le point de s'endormir. Les enfants, eux, sont pour la majorité dans la rue, ils cherchent à profiter de la soirée à travers des jeux de toutes sortes presque toutes les trente minutes ils lancent un nouveau jeu, ils finissent rapidement par se lasser du jeu en cours parce-que l'envie est grande et ils manquent pas de belles idées pour animer la soirée.

_ Maman, maman, je veux aller jouer!

"Non ma chérie, tu ne vas pas jouer dans la ruelle", dit Mme. Aglate qui ne veut pas que sa fille Sarah joue dans la ruelle.

_ Maman! S'il te plaît, c'est mon anniversaire, laisse-moi aller, stp, mes amis sont dehors et ils me demandent!

_ Sarah, t'as jouée toute la journée, c'est l'heure de rentrer, tu dois dormir assez sinon à la rentrée tu seras maigre car tu refuses de te reposer et ça va nuire à ta santé, tu te fatigues tellement dans des jeux débiles que tu oublies même ton repas et ton sommeil, tu sais quoi, je me sens fatiguer avec toi, t'es devenue insupportable, tu grandis mais on dirait que tu m'aimes pas.

Sa mère la réprimande le fait qu'elle veut jouer tout le temps mais ce qu'elle ne montre pas c'est qu'elle est éblouie par le fait que Sarah est épanouie et elle se sent bien quand elle voit combien sa fille est heureuse même quand les affaires ne sont pas au top niveau mais cette joie que porte sa fille en jouant fait oublier l'instabilité qui règne dans le pays. Après quelques minutes, elle laisse sa fille aller auprès des autres.

Sous un ciel étoilé, la lune éclaire le quartier, on sent la brise qui vient balayer la peau en provenance de la côte, à quelques mètres et on entend le son des vagues qui percute les rochers, de façon rythmique, ainsi la nature joue sa mélodie et le quartier est animé par la joie et la gaîté qui émane surtout des enfants qui sont dehors en train de chanter pour Sarah qui fête ses 11 ans. Ils forment un cercle, la belle Sarah au centre, elle fait la toupie. Ses longs cheveux s'abandonnent au vent et à la rotation qui les soulève, sa robe rose à dentelle d'or sur le côté, cadeau de sa maman, embellit le regarde de ses amis qui chantent "joyeux anniversaire" sous une lune qui s'expose sur chaque centimètre de tissus de cette jolie robe.

Après cette ovation à Sarah, place aux jeux. Les bruits que font les enfants sont de plus en plus intenses, les jeux s'enchaînent et les gosses ne veulent pas arrêter car 19h, c'est tôt surtout en période d'été. Après les paris, c'est le tour des caches-caches, c'est l'idée de Sylvie, 15 ans, c'est elle qui anime, on dirait un chef d'orchestre qui veille à tout prix à ce que sa troupe joue correctement sans manquer aucune note. Elle surveille les autres surtout sa petite sœur qui est là aussi mais leurs parents sont allés conclure une affaire et ne sont pas encore rentrés. Sylvie et sa sœur ont encore une heure ou deux pour jouer. Sylvie se charge de choisir les jeux à faire et elle fixe les conditions puisque c'est elle la plus âgée et les autres sont dépassées par leur folle envie de jouer. Elle lance le jeu de cache-cache :

_ On passe au cache-cache mes amis, on se divise en deux groupes, on fait un tirage avec une pièce de monnaie pour savoir quel groupe aura le privilège d'aller se cacher en premier.

_Je vais chercher une pièce de monnaie

dit Sarah, elle se retire et part chercher la pièce, elle défile comme une princesse, le cœur joyeux, remplie de bonheur surtout en ce jour de son anniversaire, entre-temps, Sylvie qui s'est autoproclamée capitaine commence à choisir parmi ceux et celles qui veulent prendre part à ce jeu pour constituer son équipe et elle choisit sans aucun doute ceux et celles qui sont les plus intelligents, elle est intelligente quand même, elle veut à tout prix que son groupe finisse vainqueur ce soir.

Sarah est dans mon équipe, dit Sylvie, mais il semble que c'est trop cette fois, le capitaine de l'autre équipe n'est pas d'accord, il avance que le choix des joueurs ne dépend pas uniquement de Sylvie, donc il suggère que Sarah fasse partie de son équipe. Des murmures des adversaires de Sylvie, les coéquipiers de Sylvie ripostent, l'ambiance est un peu tendue et cinq minutes sont écoulées le jeu n'a pas commencé, Bénédicte, la petite sœur de Sylvie en profite pour aller boire de l'eau chez elle. Quant à Sylvie elle ne lâche pas l'affaire et exige que Sarah soit dans son équipe, heureusement pour elle, après quelques minutes l'autre équipe capitule, Sylvie a gagné Sarah.

Tous les préparatifs pour lancer le jeu ont été effectués, les deux équipes sont formées, ils connaissent toutes les règles, c'est l'heure de commencer mais Sarah n'est pas encore revenue. Les autres s'assoient un instant, le temps qu'elle revienne.

_ Qu'est-ce qu'elle fait? Lance Rose

_ On commence sans elle

Sylvie répond:"on l'attend encore un instant"

_ Je vais chez elle, dit Rose puis elle part la trouver.

Les deux équipes de leur côté discutent sur les stratégies à employer durant le jeu, ils essaient d'identifier des endroits pour se cacher.

Rose part vers l'ouest, elle se presse de ramener Sarah. Arrivée au bout de la ruelle elle emprunte le couloir entre les deux dernières maisons mais elle est obligée de ralentir sa course, elle avance à pas de tortue ne pouvant pas aller plus vite car la lune est occultée par un nuage et la route est parsemée de débris et de cailloux. Elle atteint la route principale puis tourne à droite dans la première ruelle et continue d'avancer vers la maison de Sarah avec une chanson aux lèvres exprimant son impatience pour rejoindre rapidement les autres. Elle est proche de la clôture quand soudain son pied droit heurte quelque chose, elle trébuche, elle essaye de se retenir mais elle n'a trouvé aucun appuie, elle tombe mais elle se presse de se relever car l'heure tourne et son envie de jouer est encore au plus au niveau. Elle reprend la chanson en se relevant et aperçoit quelque chose sur la barrière mais elle n'arrive pas à comprendre de quoi il s'agit et se met à essuyer sa robe, un effort qui est sans effet puisque sa robe est mouillée. Les nuages se dispersent peu à peu et la lune éclaire de nouveau, Rose s'apprête à avancer quand soudain elle aperçoit la tête de Sarah accrochée à la clôture, les yeux ouverts, le regard innocent,  les cheveux trempés de sang, ce sang coule, descend sur la balustrade et peint le sol. C'est comme un tuyau qui coule à flot et dont le robinet est coincé. Son sang apparaît comme une vilaine tâche sur le sol sous la lumière de la lune. 

_ Ahhhhhhhh!

Crie Rose, d'un son aigu, vibrant la peur et la tristesse qui la traverse d'un coup. Ses yeux sont inondés de larmes, elle gémit l'horreur qui émane de la scène. Elle se tourne pour essayer d'alerter les autres et ses yeux tombent sur le corps de Sarah qui bougent à répétition sous l'effet de choc comme si elle essayait de rester en vie, mais dommage, sa tête ne fait plus partie de son corps. Rose est surpris, sa souffrance et sa peur se multiplient, elle ne peut plus respirer, elle tremble, elle délire, elle se perd dans ses souvenirs: Sarah qui était là il y a un instant, qui faisait la toupie. Rose est dévastée. Les enfants qui attendaient foncent pour voir ce qu'il y a et tombent sur un petit tronc avec les veines du cou éparpillées et du sang dispersé sur la robe rose à dentelle que portait Sarah, les lignes dorée de chaque côté de la robe sont corrompues par le sang et là les pleurs explosent, tout le quartier est en alerte, les adultes qui jouaient au dominos ou qui lançaient des contes foncent tous, même les gens qui se sont allongés plus tôt ont vu leur instant de repos s'envoler, troubler par ces cris de détresse. Mr. Rosalvo qui vient d'arriver prend Rose dans ses bras, il dit aux autres enfants de se retourner, qu'ils ne contemplent pas cette scène affreuse mais  ce n'est pas facile de faire oublier une telle atrocité à des enfants.

Les mains sur la tête, les lèvres tremblantes, des sauts sur place, des rotations, une crise de panique frappe la mère de Sarah, qui ne peut pas croire à ses yeux, sa fille en deux morceaux.

_ Oh! Ma fille! La seule, ma vie, pourquoi, pourquoi moi!

Les mots sortent alors et les larmes jaillissent, la mère de Sarah ne crie de toutes ses forces.

Mr. Bleck apporte un drap, il prend la tête de la petite Sarah, la dépose à côté du corps et couvre le tout avec un drap blanc, ce qui bascule l'estomac de toute personne présente, qui ose la regarder et engendre une nausée de tonnerre à quiconque ose penser à la scène.

Les gens du quartier essaient d'éloigner les enfants parce-que la scène n'est pas du tout agréable à regarder, on leur a dit d'aller s'asseoir sous la galerie la plus proche mais malheureusement ils ont tout vu, toutes les personnes qui sont déjà arrivées sur les lieux ont vu de leurs propres yeux la tragédie qui est arrivée à la fille de Mme. Aglate et l'image qui a été gravée dans leur âme est loin d'être l'objet d'oubli, surtout qu'il s'agit de Sarah, la plus belle et la plus serviable du quartier. Sylvie cherche sa sœur mais elle n'est pas là, elle l'appelle encore et elle a répondu, c'est un soulagement, elle était chez elle et elle est de retour mais il n'y a plus de jeux. Tout le quartier est regroupé et elle commence à questionner. Sylvie ne donne pas tous les détails mais l'explique ce qui se passe et elles rejoignent les autres.

Mr. Rosalvo prend son téléphone et alerte la police. En attendant leur arrivée il lance une opération de recherches. Il va auprès de Mr. Bleck et lui parle:

"Nous devons nous regrouper rapidement pour boucler le quartier et trouver la personne responsable de ça, je suis sûr que ce n'est pas quelqu'un d'ici"

Ils s'organisent en trois groupes et lancent les recherches, jeunes gens, adultes, pères et mères de famille, armés de machettes, de battes et de lampes torches, conduits par la fureur, ils partent dans toutes les directions, des pas brusques et bruyants, des murmures grossières, les clefs qui animent le passage des groupes dans les couloirs entre les maisons, ambiance qui montre qu'il y a urgence. Chacune des personnes sur place se donne la responsabilité de mener à bien la mission. Ils se précipitent dans tous les recoins de la localité avec leurs mains froides, leurs corps qui tremblent, marchant entre peur et rage, ils veulent tous retrouver le coupable. L'un des groupes était parti vers la route principale mais avant d'atteindre la route les membres veillent minutieusement à ne rien manquer, ils fouillent les vieux latrines, les cuisines extérieures et les puits. Au bout d'une trentaine de minutes ils arrivent à destination, regardent les abords de la rue, toujours rien, la route est vide, ils retournent d'où ils sont partis. Un autre groupe continue les recherches. Celui-ci est principalement constitué de jeunes et ces derniers emploient le silence comme stratégie, ils avancent sans faire de bruit et cherchent principalement au milieu des jardins qui se trouvent à proximité. Ils s'arrangent en une seule ligne et avancent ensemble, on entend seulement le son des crickets qui marque la soirée et un son faible de feuilles qui s'accordent à la brise mais d'un coup vient s'ajouter un son étrange, c'est un hibou qui traverse le jardin, ils n'ont rien à craindre et le criminel court encore. En quelques minutes ils finissent leur tournée et décident de rentrer. Ils empruntent le même itinéraire et profitent pour chercher encore une fois histoire d'être sûr qu'ils n'ont rien loupé. Quant au troisième groupe, il est encore en mission. C'est maintenant l'unique espoir de retrouver qui est à l'origine de tout ce bazar. Ce groupe est d'ailleurs celui qui est le mieux équipé avec un ancien casec à sa tête armé d'un fusil de calibre 12. Les membres de ce groupe sont motivés, ils prolongent les recherches avec espoir de trouver le responsable mais ça n'a rien donné. Ils prennent une autre itinéraire pour rentrer toujours sur le qui-vive et c'est comme ça jusqu'à leur retour.

De loin on entend la voix de ceux qui forment le dernier groupe, ils sont de retour mais pas avec de bonnes nouvelles malheureusement. Tout le monde est rentré mais pas de criminel retrouvé. Les murmures se multiplient, les enfants qui jouaient pleurent encore, la maman de Sarah est inconsolable. Les autres personnes qui étaient restées chez elles sortent pour voir ce que les groupes de recherches ont trouvé. On essaie d'appeler la police qui n'est toujours pas sur place et certains parlent de sécuriser eux-mêmes le quartier. Mr. Rosalvo et quelques uns restent encore dehors, les autres rentrent chez eux. Mme. Rosalvo qui est sorti à l'arrivée de l'expédition retourne chez elle pour apporter de l'eau à son mari.

_Au secours !

Les mains sur la tête, Mme. Rosalvo tombe sur ses genoux, elle crie de toutes ses forces. Il y a du sang devant sa porte et c'était intact il y a deux minutes.

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